Nullité de la consultation du fichier ADOC pour le délit de violations réitérées du confinement

Un Montpelliérain était poursuivi le 24 avril 2020 en comparution immédiate devant le tribunal correctionnel de Montpellier notamment pour le délit de violations réitérées du confinement ainsi que des délits routiers.

Pendant sa garde à vue du 24 avril, les gendarmes consultent le fichier ADOC, institué en 2004 avec pour vocation de répertorier les contraventions routières.

Ils y découvrent trois verbalisations antérieures pour non respect du confinement : les 2, 12 et 15 avril 2020.

Lors du procès, la défense portée par Maître DAVID soulève la nullité de ces enregistrements de contraventions dans ce fichier et donc la consultation qui a été effectuée par les gendarmes, en effet le fichier n’a pas vocation à enregistrer ces contraventions là.

Le tribunal correctionnel de Rennes avait déjà relevé la nullité de l’utilisation de ce fichier dans une décision du début du mois d’avril.

En conséquence, le Gouvernement a pris un arrêté le 14 avril 2020 (publié le 16 avril 2020) modifiant la destination du fichier ADOC et autorisant d’y enregistrer toutes les contraventions faisant l’objet d’une procédure d’amende forfaitaire (y compris donc les contraventions de violation du confinement).

Toutefois, cet arrêté ne pouvait avoir d’effet que pour l’avenir et donc à compter de sa publication, soit le 16 avril 2020.

Les enregistrements des 2, 12 et 15 avril étaient donc bien illégaux au moment où ils ont été réalisés.

Par ailleurs, lors de son interrogatoire de garde à vue, le prévenu avait reconnu deux de ces trois contraventions, mais pas la dernière.

Néanmoins, la garde à vue a également été annulée pour vice de procédure (le parquet avait été informé trop tardivement de la mesure) et donc l’interrogatoire de garde à vue a également été annulé.

Le tribunal correctionnel de Montpellier a purement et simplement frappé de nullité les procès-verbaux de la procédure relatifs à la consultation du fichier ADOC, dont les enregistrements concernés étaient illégaux.

En conséquence, alors que le délit suppose d’avoir été effectivement verbalisé plus de trois fois dans un délai de trente jours, les éléments ayant été annulés, le tribunal ne pouvait plus valablement condamner le prévenu pour ce délit.

Un autre argument soulevé par la défense faisait valoir que lors de son interpellation, alors que le suspect n’avait pas d’attestation de déplacement dérogatoire, il n’a pas été verbalisé pour non-respect du confinement.

Donc, même en supposant acquises les trois précédentes verbalisations, il y en avait trois et non-pas « plus de trois » de telle sorte que le délit ne pouvait pas être constitué.

Confronté à un délit dont les éléments constitutifs sont peu clairs, dont la façon de rapporter la preuve était illégale, le tribunal a ainsi prononcé la nullité de la garde à vue, la nullité des procès-verbaux de consultation du fichier ADOC et a relaxé le prévenu pour ce délit.

Le dépôt de plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité sur tout le territoire (Paris, Bobigny, Poitiers, Saint-Étienne et Montpellier par votre serviteur) ainsi que les décisions de relaxe prises par plusieurs tribunaux correctionnels démontrent bien que la création d’une nouvelle infraction ne peut pas se faire sans un travail approfondi.

Il s’agit effectivement pour la loi de définir clairement les éléments constitutifs du délit et de déterminer dans quelles conditions ceux ci peuvent être établis, tout en garantissant le respect des droits et libertés fondamentaux de chaque prévenu.

La décision de la Cour de cassation de renvoyer, ou non, au Conseil constitutionnel les questions relatives à la régularité de ce délit est très attendue afin que le dernier rempart des libertés individuelles qu’est le Conseil constitutionnel puisse se prononcer et dire si, oui ou non, ce texte est une atteinte aux droits fondamentaux.