Victime d’un abandon de famille : attention à la demande de dommages et intérêts

En matière familiale, le fait de ne pas payer pendant plus de deux mois la pension alimentaire constitue le délit d’abandon de famille prévu à l’article 227-3 du Code pénal.

Par ailleurs, en application des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale, la victime d’une infraction peut porter directement son action devant la juridiction répressive.

Concrètement, il s’agit pour la victime de demander des dommages et intérêts pour le préjudice causé par l’infraction lors du jugement de l’auteur de cette infraction.

Par nature, l’infraction d’abandon de famille suppose un arriéré de pension alimentaire (étant rappelé qu’une prestation compensatoire a un caractère alimentaire).

Il arrive parfois que les victimes confondent l’arriéré de pension alimentaire et le préjudice.

En effet, la Cour de cassation a rendu un arrêt le 31 janvier 2024 rappelant cette distinction :

« En prononçant ainsi, sans préciser la nature et le montant du préjudice subi par la partie civile qu’elle a entendu réparer, et alors que la plainte en abandon de famille n’a pas pour objet le règlement des sommes dues au titre de la pension alimentaire, mais l’obtention de dommages et intérêts à la suite du défaut de paiement, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ».

La chambre criminelle a en effet précisé que le préjudice né d’une infraction est différent de l’arriéré.

En effet, même si les pensions ne sont pas payées régulièrement, le montant reste dû.

Dès lors, en cas de demande de condamnation de l’auteur au paiement du même montant que l’arriéré il y aurait une difficulté de recevabilité : l’intéressé doit déjà la somme.

Une telle demande serait donc irrecevable.

Il convient en revanche de bien présenter les différents éléments du préjudice de la victime qui peut évidemment résider dans une composante morale.

Il peut également y avoir un préjudice matériel lié aux difficultés engendrées par les retards de paiement (frais bancaires, intérêts de retard dans le paiement d’une dette …).

En la matière comme dans toutes les composantes du droit, rien ne vaut les conseils d’un avocat spécialiste.

Votre bien dévoué,

Fouille d’un véhicule : c’est comme une perquis’ mais en moins grave (mais un peu quand même) …

En matière d’enquête préliminaire, l’article 76, alinéa 1er du Code de procédure pénale rappelle que :

« Les perquisitions, visites domiciliaires […] ne peuvent être effectuées sans l’assentiment exprès de la personne chez laquelle l’opération a lieu. ».

Donc, non, la police ne débarque pas avec un mandat de perquisition, pour la simple et bonne raison que ça n’existe pas en droit français …

La chambre criminelle de la Cour de cassation vient de rendre un arrêt, le 16 janvier dernier, précisant le régime de la fouille de véhicule.

Tout d’abord, la Cour de cassation rappelle que la fouille d’un véhicule est assimilée à une perquisition quant au régime de l’autorisation, bien que le véhicule ne puisse pas être assimilé à un domicile :

« Un véhicule, sauf s’il est spécialement aménagé à usage d’habitation et effectivement utilisé comme résidence, ne constitue pas un domicile. Cependant la fouille d’un véhicule, par l’intrusion dans l’intimité de la vie privée qu’elle permet, est assimilable à une perquisition. »

C’est à dire qu’en enquête préliminaire, la fouille ne peut avoir lieu qu’avec l’assentiment exprès de la personne.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation fait l’effort de rédiger en toutes lettres son attendu de principe :

« Sauf si un texte l’autorise expressément, elle ne peut être effectuée qu’avec l’assentiment du propriétaire ou conducteur du véhicule recueilli dans les conditions prescrites par l’article 76 du code de procédure pénale ».

Donc, pour un véhicule, même régime qu’un domicile : la fouille doit être autorisée.

Néanmoins, toujours dans cet arrêt du 16 janvier, la Cour de cassation apporte une légère nuance quant au régime des nullités qui pourraient découler de cette appréciation.

En matière de nullités, l’article 802 du Code de procédure pénale rappelle qu’un acte ne peut être annulé qu’en cas de grief causé à la personne.

Ça, c’est le principe.

Il y a nécessairement des exceptions, lorsqu’une atteinte est tellement grave qu’elle porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne, la démonstration du grief n’est pas nécessaire.

Dans le cas d’espèce, la Cour de cassation précise que la fouille d’un véhicule est moins intrusive qu’une mesure de perquisition et qu’en conséquence, la nullité de la mesure peut être soulevée sous réserve de démontrer un grief :

« L’ingérence dans la vie privée qui résulte de la fouille d’un véhicule étant, par sa nature même, moindre que celle résultant d’une perquisition dans un domicile, il appartient au requérant d’établir qu’un tel acte lui a occasionné un grief. ».

Donc, en matière de fouille de véhicule, il faut demander avant de visiter mais si on n’a pas demandé, il faudra prouver que ça dérange …

Planquer le corps ne suspend pas la prescription ! !

Dans un précédent article (https://www.david-avocat.com/dissimulation-de-cadavre-point-de-depart-de-prescription/) nous avions déjà évoqué le fait qu’en matière de meurtre, la dissimulation du corps n’est pas un élément insurmontable entraînant la suspension du délai de prescription.

Cette solution avait été rappelée par la Cour de cassation dans un arrêt du 13 décembre 2017.

On rembobine, on recommence !

Depuis la loi du 21 avril 2021, l’article du 7 du Code pénal prévoit que le délai de prescription des crimes est de 20 ans à compter du jour où l’infraction a été commise.

Par ailleurs, l’article 9-3 du même code prévoit que :

« Tout obstacle de droit, prévu par la loi, ou tout obstacle de fait insurmontable et assimilable à la force majeure, qui rend impossible la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique, suspend la prescription. ».

Cette précision permet de reporter le point de départ du délai de prescription à la découverte d’une infraction.

Le pendant est que cela risque de rendre certaines infractions quasi imprescriptibles …

C’est pourquoi il appartient à la Cour de cassation de déterminer ce que sont les obstacles de fait insurmontables et assimilables à la force majeure et qui rendent impossible la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique.

Encore récemment, en janvier 2023, la Cour d’Appel de Grenoble a tenté de retenir la dissimulation du corps et de la scène de crime comme un obstacle assimilable à la force majeure entraînant une suspension du délai de prescription.

La Chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt du 28 novembre 2023 a rappelé la règle :

« En effet, ni l’absence de mobile résultant de la personnalité de la victime ni la dissimulation du corps et de la scène du crime ne caractérisent un obstacle insurmontable à l’exercice des poursuites pouvant justifier la suspension de la prescription de l’action publique […] ».

Il y a fort à parier que d’autres Cour d’appel tenteront de retenir cette suspension du délai de prescription en la matière.

À nous de rester vigilants !

L’indemnisation de la détention provisoire pour « les innocents »

Après avoir passé quelques jours, semaines, mois voire années en détention provisoire, il arrive que la Justice rende une décision qui déclare la personne mise en cause innocente …

Ces décisions de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement peuvent être rendues à plusieurs étapes de la procédure mais ont la même conséquence : l’innocence.

Vient alors le moment de réparer le temps passé en prison « pour rien ».

Si, lors du placement en détention provisoire, la décision peut sembler justifiée, il n’en reste pas moins que les préjudices qui en ont découlé doivent être indemnisés, quelle que soit la durée de la détention.

L’article 149 du Code de procédure pénale fixe le régime de cette indemnisation.

Tout d’abord, il convient de noter que, sous réserve de la recevabilité de la requête, il s’agit d’un régime sans faute, il n’y a donc pas besoin de démontrer un dysfonctionnement ou une faute du système.

Si la personne a été en détention provisoire et que la procédure s’est achevée, à son égard, par une décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement, alors l’indemnisation de ses préjudices doit intervenir.

Il convient toutefois de réunir certaines conditions.

Tout d’abord, la décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement doit être définitive (ce dont il faut justifier par un certificat de non-recours).

La requête doit ensuite être présentée dans un délai de six mois devant le Premier Président de la Cour d’Appel dans le ressort de laquelle a été rendue la décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement (art. 149-1 CPP).

La requête est ensuite transmise par le greffe à l’Agent Judiciaire de l’Etat qui dispose du monopole de représentation de l’Etat devant les juridictions et au Ministère Public qui doivent, chacun, établir un mémoire en réponse afin de valider, ou contester le montant des indemnisations sollicitées.

Par la suite, l’affaire est fixée à une audience de plaidoirie à l’occasion de laquelle les parties vont développer oralement leurs arguments.

Il est à noter qu’une telle procédure est relativement longue, de l’ordre d’un an environ.

Suite aux deux décisions de relaxe (désormais définitives) obtenues en octobre 2022, ce sont deux requêtes en ce sens qui sont prêtes à être déposées devant le Premier Président de la Cour d’Appel de Montpellier.

Semaine relax’ !

Une semaine de relaxes ce n’est pas une semaine tranquille, loin s’en faut …

Deux clients, prévenus devant des juridictions pénales, en détention provisoire, ont été relaxés et si c’était pas « tranquille », ça fait du bien …

Dans la première affaire, le justiciable est en détention provisoire depuis le 22 juin 2022 et n’a de cesse de clamer son innocence.

Devant le juge des libertés et de la détention qui le place inutilement en détention, puis devant la Cour d’Appel, puis devant le tribunal correctionnel en audience de relais en plein mois d’août, las …

A chaque fois, la juridiction maintien Monsieur A. en détention provisoire au regard de la soit-disant absence de garantie de représentation …

Le 10 octobre, Monsieur A. comparait devant le tribunal correctionnel de Montpellier pour y répondre de faits anciens de plus de trois ans, à savoir des violences habituelles commises à l’encontre d’un mineur de moins de 15 ans et privation de soins et d’aliments sur ce même mineur par une personne ayant autorité.

Devant le tribunal, Monsieur A. maintient sa version : il n’a jamais touché à cet enfant.

Les déclarations de l’enfant qui « l’accusent » ? Il a fallu rappeler à la juridiction, qui l’a entendu, que la parole d’un enfant de trois ans ne saurait être considérée comme un élément de preuve suffisant pour asseoir une condamnation pénale.

Surtout en prenant en compte que tous les experts ayant examiné l’enfant ont relevé que ce dernier avait les plus grandes difficultés à s’exprimer, ne savait pas faire de phrases complètes et ne s’exprimait même pas en onomatopées …

Par ailleurs, le légiste avait relevé qu’aucune lésion n’était récente, or, interrogé, Monsieur A. a indiqué avoir démarré sa relation avec la mère de l’enfant cinq mois auparavant, soit une période incompatible avec les blessures.

S’agissant de l’infraction de privation de soins et d’aliments, le tribunal a estimé que Monsieur A. n’était pas, à l’égard de l’enfant, une personne ayant autorité, ne cohabitant pas en permanence avec la mère et n’ayant une relation que récente.

En conséquence, le tribunal a purement et simplement relaxé Monsieur A. qui va désormais engager une procédure d’indemnisation de la détention provisoire devant le Premier Président de la Cour d’Appel de Montpellier.

Dans la seconde affaire, Monsieur P. est présenté le 14 juin 2022 devant le Procureur de la République de Béziers en vue d’une comparution immédiate, on lui reproche une escroquerie au jugement pénal …

Si l’infraction d’escroquerie au jugement existe, elle concerne les cas dans lesquels une partie, par des manœuvres frauduleuses (souvent de fausses pièces) obtient une décision favorable contre son adversaire au moyen du système judiciaire.

Dans le cas de Monsieur P. la particularité est que la « victime » affichée est le système judiciaire …

Il est reproché à Monsieur P. d’avoir trompé le procureur de la République et le juge homologateur près le tribunal de Béziers afin de les déterminer à le condamner à une peine plus favorable …

Concrètement, des éléments de personnalité ne reflétant pas la situation réelle et actuelle du prévenu avaient été transmis par son épouse à son Conseil, lequel les a transmis au Procureur de la République dans le cas d’une procédure antérieure.

Présenté devant le juge des libertés et de la détention, il est placé en détention provisoire dans l’attente de sa comparution le lendemain, devant le tribunal correctionnel.

Malgré des explications techniques poussées, Monsieur P. est reconnu coupable par le tribunal de Béziers le 15 juin 2022 et condamné à la peine de 18 mois d’emprisonnement avec maintien en détention, le tribunal allant au-delà des réquisitions du Ministère Public.

Face à cette décision en apparence tout bonnement illégale, Monsieur P. interjette appel, bien lui en a pris !

Le 13 octobre 2022, la Cour d’Appel de Montpellier infirme la décision et renvoie Monsieur P. des fins de la poursuite après 4 mois de détention provisoire.

La Cour d’Appel de Montpellier retient plusieurs arguments :

Tout d’abord, il n’est pas démontré que les documents litigieux aient effectivement été transmis au Procureur de la République ainsi qu’au juge du siège.

Par ailleurs, ainsi que la défense le relève, Monsieur P. n’a pas transmis lui-même ces pièces, étant retenu sous escorte à ce moment, la Cour relève donc un défaut d’élément matériel.

De plus, il est allégué et justifié qu’il s’agissait bien d’une erreur et non d’une intention coupable.

Dès que Monsieur P. a réalisé l’erreur, il a adressé les documents corrects et conformes par courrier recommandé avec avis de réception à la juridiction.

Enfin, il ressort de l’enquête de personnalité qui avait été réalisée à ce moment que Monsieur P. avait bien fait état de sa situation réelle, n’ayant aucune intention de tromper qui que ce soit, ni conscience des éléments transmis.

Aussi, l’élément moral de l’infraction fait également défaut, comme le confirme la Cour d’Appel sur les conclusions de la défense.

Monsieur P. est donc renvoyé des fins de la poursuite après 4 mois de détention provisoire.

En outre, la Cour d’Appel condamne l’Etat à payer à Monsieur P. la somme de 432€ au titre de ses frais d’Avocat (montant maximum compte tenu des barèmes en vigueur).

Reste également à Monsieur P. à faire indemniser la période de détention provisoire devant le Premier Président de la Cour d’Appel …