Instauration de la Cour Criminelle Départementale dans l’Hérault

En France, les infractions les plus graves, les crimes (passibles d’au moins quinze ans de réclusion criminelle et jusqu’à la réclusion criminelle à perpétuité) sont jugées par les Cour d’Assises.

Il existe une Cour d’Assises par département.

Cette Cour est composée d’un Président, de deux assesseurs et d’un jury populaire, tiré au sort sur les listes électorales (six personnes en première instance et neuf en appel).

De par la gravité des faits et les peines encourues, les procès en cours d’assises durent souvent sur plusieurs jours, voire sur plusieurs semaines.

Il se crée ainsi un stock de dossiers criminels en attente de jugement engendrant des délais de jugement très longs, jusqu’à plusieurs années.

Aussi, l’article 63 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 a institué, à l’essai, des Cours Criminelles Départementales pendant une durée de trois ans, dans huit départements dont la liste a été fixée par arrêté du 25 avril 2019 (Ardennes, Calvados, Cher, Moselle, Réunion, Seine-Maritime, Yvelines).

Depuis, un arrêté du 2 mars 2020 a étendu l’expérimentation de la Cour Criminelle Départementale aux départements de l’Hérault et des Pyrénées-Atlantiques.

Les premières audiences de la Cour Criminelle Départementale de l’Hérault devraient intervenir au mois de septembre 2020.

Concrètement, cette Cour Criminelle Départementale ne peut pas connaître de l’ensemble des crimes.

En effet, la Cour ne pourra juger que les affaires dans lesquelles l’accusé encourt une peine de quinze ans ou de vingt ans de réclusion criminelle, les autres infractions restent de la compétence de la Cour d’Assises.

Par ailleurs, la Cour ne pourra pas connaître des affaires dans lesquelles l’accusé est en état de récidive légale (le maximum légal encouru est alors multiplié par deux) ou des affaires en appel (les appels des décisions des Cours Criminelles Départementales sont examinés par les Cour d’Assises « classiques »).

Elle ne pourra pas non-plus statuer si l’un ou plusieurs des co-accusés ne répondent pas à ces critères.

En pratique, le principal changement réside dans la disparition du jury populaire.

La Cour ne sera en effet composée que de magistrats professionnels (un Président et quatre assesseurs).

Par ailleurs, la décision de condamnation ne doit pas être prise à une majorité qualifiée, mais à une majorité simple (trois voix au minimum).

De plus, alors que devant la Cour d’Assises, la Cour et le jury se retirent pour délibérer sans le dossier de la procédure (seulement avec les notes qu’ils ont pu prendre pendant l’audience, ou leurs souvenirs), il en va différemment de la Cour Criminelle. Le texte prévoit en effet que les cinq juges se retirent pour délibérer avec le dossier.

Enfin, les délais de procédure sont raccourcis.

Un accusé devant la Cour d’Assises (lorsqu’il est détenu) doit comparaître dans un délai d’un an à compter de l’ordonnance de mise en accusation (ce délai peut être prorogé de six mois, puis exceptionnellement, de nouveau pour six mois, soit un total de deux ans) faute de quoi il est remis en liberté.

En revanche, en matière de Cour Criminelle Départementale, ce délai est de six mois, renouvelable une seule fois (soit un total d’un an).

Pour certains, la mise en place des Cours Criminelles Départementales n’est pas souhaitable, la Justice étant rendue « au nom du peuple français » la Cour d’Assises reste la dernière juridiction dans laquelle la Justice est rendue par le peuple français.

D’ailleurs, jusqu’en 2000, il n’était pas possible d’interjeter appel des arrêts de Cour d’Assises, les jurys populaires étant réputés « infaillibles ».

D’autres, en revanche, notamment François SAINT-PIERRE, Avocat spécialiste en droit pénal, du Barreau de Lyon, n’y est pas opposé, considérant les Cours d’Assises comme des « machines à prononcer la peine de mort ».

Tenant la disparition de la peine capitale, le maintien de la juridiction populaire qui légitime cette peine ne se justifie plus.

La critique principale de Maître SAINT-PIERRE réside dans la cohabitation des jurés populaires (dont le nombre n’a eu de cesse de diminuer s’établissant aujourd’hui à six en première instance) avec les magistrats professionnels et en particulier le Président de la Cour d’Assises (le seul à avoir pris connaissance du dossier auparavant et chargé de l’interrogatoire de l’accusé et des témoins).

A l’aube de l’apparition de cette nouvelle juridiction, le temps et l’analyse des décisions rendues par les Cours Criminelles Départementales permettront d’en préciser l’efficacité, en conservant toutefois l’idée que le procès équitable reste une garantie donnée par l’Etat de droit à l’accusé, auquel le doute doit bénéficier.

La période d’expérimentation a été fixée à trois ans et un rapport d’évaluation devra être présenté six mois avant l’expiration de cette période, l’occasion de déterminer si les Cours Criminelles Départementales doivent être généralisées ou disparaître avant d’avoir eu l’occasion de perdurer.